Un enfant américain vaut-il plus qu'un enfant chinois ?
Source: http://chine.aujourdhuilemonde.com/un-enfant-americain-vaut-il-plus-quun-enfant-chinois
En Chine aussi, un forcené s'en est pris aux enfants d'une école, heureusement sans faire de morts. Les médias officiels ont tenté de passer cette attaque sous silence, en ne parlant que de Newtown. De quoi faire enrager les internautes chinois.
Le 15 décembre est une date qui comptera dans l'histoire de la télévision chinoise. Ce jour là, en effet, CCTV a décidé d'ouvrir son journal par de l'information internationale, une tuerie dans une école américaine. Traditionnellement, la télévision officielle passe de longues minutes à disséquer l'information nationale (souvent, d'ailleurs, résumée aux voyages officiels et aux discours d'officiels du Parti), avant d'expédier les nouvelles du monde. Mais pas ce jour là, et pourtant : la Chine aussi venait de connaître une attaque similaire.
Vendredi 14 décembre, un homme de 36 ans poignarde 23 personnes, dont 22 enfants, dans une école primaire du Henan, sans faire de morts. Dans un écho tragique à cette attaque, un jeune homme ouvre le feu, lui aussi dans une école primaire, mais à Newtown, aux Etats-Unis. Bilan : 26 morts, dont 20 enfants. Et c'est cette attaque qui va faire la une des journaux chinois. En ce qui concerne le Henan, tout juste apprendra-t-on qu'un reporter a été dépêché sur place. Mais que les autorités locales ne répondent pas aux questions.
Des médias sourds et muets
Sur son compte Weibo, l'économiste Han Zhiguo, l'une des "stars" du réseau social, n'a pas tardé à réagir, comme le rapporte le site Tea Leaf Nation : "en l'espace d'un instant, la nouvelle d'une attaque meurtrière dans une école américaine a rempli les médias chinois, en en faisant les gros titres. Le même jour, il y a eu une attaque dans une école de Guangshan, dans la province du Henan, où 22 élèves ont été blessés à coups de couteau, dont 7 dans un état suffisamment sérieux pour qu'ils soient hospitalisés. Les médias officiels semblent y être restés sourds et muets. La seule information sur cette attaque, c'est celle qu'on trouvait sur Weibo. La différence de traitement entre les deux attaques pas les médias officiels signifie-t-elle que la vie d'un enfant chinois a moins de valeur ?"
La colère de Han est tout de suite devenue l'un des sujets les plus discutés sur Weibo, reposté plus de 138000 fois, et commentés plus de 19000 fois. Car beaucoup d'internautes n'ont pas accepté de voir ainsi un drame chinois relégué au second plan pour ne pas embarrasser les autorités. Des autorités qui se réjouissaient déjà de pouvoir pointer du doigt les dysfonctionnements de la société américaine, tout en balayant rapidement les problèmes de leur propre pays.
Le subterfuge était tellement gros, qu'il s'est retourné contre ses auteurs, en attisant encore plus la rage des internautes chinois. @谭孟子 écrit ainsi : "les médias chinois ne traitent que d'un seul thème : les Chinois sont heureux, et les habitants des autres pays vivent misérablement... Pourquoi est-ce que les médias chinois ne se concentrent pas sur la vie de notre peuple avec le même enthousiasme dont-ils font preuve quand ils parlent des Etats-Unis ?"
Deux poids, deux mesures
Volonté de montrer les méfaits du capitalisme, de souligner les failles du système américains : les internautes ne sont pas dupes quant au but de la stratégie maladroite des autorités chinoises. Certains vont même plus loin, y voyant une tentative de protéger les intérêts des dirigeant, sans qu'ils assument leur responsabilité. Pour @路过月亮的石头, "les officiels américains gardent leur poste en affrontant la situation. Pour les dirigeants chinois, c'est en la fuyant qu'ils y parviennent"
Mais les critiques les plus virulentes sont certainement celles qui estiment qu'il y a deux poids et deux mesures dans cette affaire, et que les enfants chinois n'ont finalement pas beaucoup de valeur aux yeux des dirigeants. Un internaute va même jusqu'à affirmer que si on se préoccupe plus de ce qu'il se passe aux Etats-Unis, c'est parce que tous les officiels chinois y envoient leurs enfants...
Mais comme souvent désormais en Chine, c'est finalement Weibo qui a eu lel dernier mot. Depuis dimanche, les reportages sur l'attaque du Henan ont réapparu en une des portails d'informations comme Sina. Comme si les médias traditionnels espéraient ainsi se réconcilier avec l'opinion publique.
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